Second opus de la trilogie "cavalerie" de John Ford, situé entre Le massacre de Fort Apache et Rio Grande, ce film est la plus belle contribution de Ford au western et au cinéma, un poème élégiaque et nostalgique, véritable œuvre d’art dont nous redécouvrons, avec toujours autant de plaisir à chaque nouvelle vision, les innombrables beautés. Il est néanmoins préférable d’avertir ceux qui ne jurent que par le cynisme de Vera Cruz d’Aldrich ou par le réalisme des westerns de Peckinpah qu’ils risquent de ne pas apprécier cette merveille à sa juste valeur. Il est malgré tout difficile de rester insensible devant une si grande conjugaison de talents qui procure une émotion de tous les instants. Peut-être le film dans lequel le génie poétique, humain et pictural de Ford est le plus éclatant.
Cette trilogie est basée d’une part sur les récits de James Warner Bellah qui recréa une atmosphère en rapport direct avec l’Ouest des tuniques bleues, et de l’autre par les peintures de Frederic Remington, peintre réputé de la gent militaire au siècle dernier. John Ford nous fait entrer de plein pied dans l’intimité de ses soldats ; nous assistons ainsi à la vie quotidienne de ses hommes, soit en patrouille dans les paysages grandioses de Monument Valley, soit en garnison dans les forts construits pour protéger les frontières encore

La chaleur de la vie en communauté sera une des lignes de force de ce film, et quel adolescent n’a pas rêvé, suite à la vision de celui-ci à la télévision, de pouvoir côtoyer et vivre, ne serait-ce qu’un moment, aux côtés de ce groupe d’hommes exemplaire et bon vivant. Solidarité, maintien de la loi et de l’ordre, traditions militaires (le ruban jaune), autant de valeurs qui témoignent de cette foi profonde de Ford dans les rites communautaires qu’il trouvait le mieux représentés dans cette cavalerie américaine qui a su intégrer les anciens ennemis qu’étaient les confédérés et les soldats de l’Union. Vision idyllique certes mais pleine de tendresse, d’humanité, de tolérance et de compréhension, vibrant hommage à ces cavaliers anonymes qui ont participé à la naissance des Etats-Unis d’Amérique. Ford évite

Ford avait beau ne pas se considérer comme un grand progressiste, il est utile de rappeler que cet homme n’était ni raciste ni intolérant : il emploie pour figurants, dans ce western comme dans les suivants, les Indiens Navajos afin de contribuer modestement à les sortir de la misère. Au lieu de se livrer à une peinture d’un ennemi indien sanguinaire, il peint une nation fière, victime elle aussi de ses contradictions, les jeunes refusant d’écouter leurs aînés Et puis contrairement à son titre français qui pourrait nous faire croire à un film belliciste, peu de morts ici exceptés trois odieux trafiquants d’armes. Au contraire, le ton du film se rapproche plus de son titre original She wore a yellow ribbon : phrase conjuguée au passé qui annonce la nostalgie, celle d’un monde révolu qu’admirait le réalisateur et celle du personnage principal pour le métier et le groupe qu’il va quitter pour réintégrer la vie civile. La chronique prenant souvent le pas sur l’épique, une émotion intense baigne l’ensemble de ce chef d’œuvre.


La belle composition de Richard Hageman, mélange de thèmes tendres, épiques et de chansons traditionnelles sert admirablement le film ainsi que la somptueuse photo de Winton C. Hoch à l’oscar amplement mérité. L’irréalisme flamboyant des couleurs procure une joie sans aucune mesure : les bleus profonds des uniformes, les rouges des ciels au crépuscule, la beauté des tenues soldatesques et coiffures indiennes, tout est d’une beauté confondante. Monument Valley n’a jamais été aussi bien photographié (même la photo de La

Le plaisir visuel est d’autant plus fort qu’il est constamment accompagné d’une intense émotion due à une interprétation hors-pair. Le casting se compose de Ben Johnson en ex-officier sudiste spirituel ; John Agar et Harry Carey Jr, les deux soupirants de la magnifique et espiègle Joanne Dru ; George O’Brien et Mildred Natwick, le major et son épouse ; Victor McLaglen, personnage de sergent pittoresque dont la scène de beuverie est l’une des plus dynamique du cinéma de Ford ; enfin, nous ne pouvons pas finir ce dithyrambe sans parler de John Wayne dans le plus beau rôle de sa carrière, tout du moins le plus émouvant, celui de ce capitaine sur le point de quitter l’armée. A aucun moment, nous ne pensons que l’acteur était beaucoup plus jeune que son personnage et la performance n’en est que plus touchante. Cette interprétation est faite de petites touches, une certaine manière de chiquer, de fumer, de se racler la gorge et de répéter des phrases

L’une des ambitions du 7ème étant de faire rêver le spectateur, nous ne pouvons décemment pas reprocher à Ford son manque de réalisme, la sincérité de sa vision d’un formidable humanisme n’étant peut-être pas plus fausse que l’excessif cynisme d’autres artistes aussi talentueux. C’est pour cette même raison que la pirouette finale, fortement chargé émotionnellement, ne sent pas la volonté des producteurs de terminer sur une fin heureuse mais est typique du caractère optimiste de Ford à cette période bénie de sa vie, et comme l’a dit Allan Eyles "C’est là la plus attendrissante et la plus pardonnable des happy-ends !" *
Une simplicité et une pureté de la mise en scène, un constant ravissement pour les yeux, les oreilles et le cœur, un film éclatant d’humour, rempli de respect et de tendresse pour ses personnages, traité avec vigueur, romantisme, poésie et panache, cette charge héroïque est l’une des plus belles oeuvres que nous ait données le cinéma.
Bonus critique : extrait de La grande aventure du western de Jean-Louis Rieupeyrout’ (1964) : "…Ainsi le film permit à l’histoire de se développer sur un plan dynamique et un plan sentimental dont l’étroite alliance colora le style de Ford des teintes retrouvées ultérieurement : tout ce qui peut émouvoir, enflammer, faire vibrer, se rencontra ici sous le joli titre enrubanné, air du folklore militaire particulièrement prisé du réalisateur."
* John Wayne edition Henry Veyrier 1976
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